Mon histoire Aminata Faty

Aminata Faty

ll y a 51 ans, en 1970 Dembo Faty débarquait en France. Il avait 20 ans et arrivait d’un tout petit d’Afrique de l’Ouest : la Gambie. Il quitta son village, Bajonkoto pour atterir à Troyes.

 

Pourquoi avoir choisi cette province de Champagne ? Un grand mystère pour moi.

Toujours est-il qu’il a fait partie de cette vague d’immigrés qui a participé à l’essor de la France en travaillant à la chaîne dans l’industrie automobile 42 heures par semaine.

Son épouse, Diahara Touré, l’a rejoint quelques années plus tard avec ses 2 bébés dans les bras. Mahamadou dit Papa né au Mali et Ibrahima dit Bah né au Sénégal. Les années suivantes sont nés Almamo, Mohamed, Abou et moi-même, Ami, 6ème du nom.

 

De l’eau dans le gaz, ma mère quitta mon père quand j’avais 3 ans. A l’époque elle ne sait ni lire, ni écrire et nous vivotions de foyer en HLM avec le soutien des restos du cœur.

 

Ma mère se bat pour élever ses 6 enfants en faisant des ménages. Elle apprend à lire, pendant que nous étudions et commence à accumuler des objets pour en faire des containers pour le Mali.

Ma mère cette entrepreneure informelle, ce modèle de résilience et de détermination que je prends comme modèle sans le savoir au début. Ainsi que mes 5 grands frères qui me tirent vers le haut en me mettant les bons livres dans les mains, en me soutenant et en m’ouvrant la voie.

 

Je n’ai qu’à suivre leurs pas.

 

Cette histoire vous parle ? Des parents qui offrent le meilleur à leurs enfants malgré des conditions matérielles modestes ?

Des parents, loin de leur Afrique natale, qui s’intègrent tant bien que mal et qui de cours d’alphabétisation en tontine deviennent de plus en plus autonomes dans leur nouvel environnement dont les codes n’ont rien à voir avec les leurs.

Ces parents qui, alors qu’on ne comprend pas encore la portée de ce geste nous achètent des terrains en Afrique. Ces parents qui économisent leurs francs pour construire leur maison de rêve au pays pour y recevoir leur progéniture et leur progéniture.

 

Nous, issus de l’immigration, comme on nous appelle à la TV, nous grandissons entre 2 mondes, entre 2 cultures, entre 2 continents.

On a parfois du mal à s’y retrouver quand d’un côté on nous fait comprendre que nous ne sommes pas des vrais français et de l’autre nous sommes perçus comme des « toubabs ».

 

Le « cul » entre deux chaises pour certains qui ne savent plus du coup qui ils sont et qui fantasment leur africanité, en revendiquant une nationalité africaine qu’ils n’ont pas.

 

Pour ma part, j’ai réglé cette question identitaire très tôt. Je suis telle que je suis, à prendre ou à laisser.

Aujourd’hui la France, je l’aime, je la quitte et je la retrouve quand je veux. J’accepte d’être un électron libre, naviguant de communauté en communauté au fil de mes états d’âme. Je navigue et je refuse de choisir.

 

En effet, j’ai depuis toujours, ce cordon qui me rattache à l’Afrique, que je le veuille ou non.

Je fais quelques voyages dans différents pays. Mais j’ai envie de mieux la connaître cette Afrique dont on parle si mal dans les manuels scolaires.

L’esclavage et la colonisation. Mais quoi d’autres ?

 

Malgré les clichés négatifs qui circulent dans les médias, je m’identifie, très jeune à Mama Africa. Je grandis en me forgeant une identité d’afroptimiste.

 

J’y crois, contre vents et marées l’Afrique se relèvera. Je sais très tôt, qu’un jour j’irai vivre en Afrique.

Ce jour est arrivé le 25 juillet 2019.

 

Je sors de l’avion et je ressens cette impression qui est la même à chaque fois que je débarque sur un sol africain, cette chaleur qui m’enveloppe comme pour me souhaiter la bienvenue sur le continent.

Pourtant il fait nuit mais c’est la même sensation que celle que j’ai ressenti quand j’ai atterri sur le tarmac de Bamako il y a 33 ans. J’étais avec ma mère.

Cette fois-ci à Dakar, j’étais avec ma fille. J’ai 36 ans, Isia en a 7. Notre nouvelle vie commence ici et maintenant.

 

Le lendemain au réveil, j’ai encore des sensations qui me font ressentir dans ma chair que je suis au Sénégal. Cette lumière, ce soleil puissant qui pénètre dans mes pupilles.

Il réchauffe mes bras. Tenue légère qui laisse respirer ma peau, je me sens à ma place.

Image de Aminata faty

Tout ne s’est pas si bien passé !

En effet, il y a encore 4 ans je détestais mon image.  J’étais en colère contre moi-même et je m’en voulais pour les choix malheureux que j’avais pu faire dans ma vie.

 

J’en voulais aux autres pour le mal qu’ils m’avaient fait. Je n’arrivais pas à me sortir de mes problèmes alimentaires malgré les nombreuses tentatives. Puis, en 2017, j’ai connu le deuil de ma deuxième fille, mon ange Zabou est juste venu me faire un coucou 2 jours avant de repartir au ciel.

Et là, de nouveau mon mon monde s’effondrait alors que j’avais bien remonté la pente. Retour à la case départ !! Retour au célibat et arrêt de travail.

 

Les premières semaines étaient rythmées par les visites quotidiennes de l’infirmière qui venait me piquer comme si je n’avais pas été assez piqué durant des mois de grossesses horribles.

Le sparadra avait même marqué mon corps tel un tatouage.

J’ai cru qu’il ne s’effacerait jamais pour me rappeler sans cesse que j’étais une maman en deuil.

 

Je me sentais sombrer dans une dépression profonde en lisant les publications et les vidéos de parents qui comme moi avaient perdu leur bébé.

Ces parents qui, des années après ne s’en étaient pas remis.

C’était impossible pour moi de rester dans cet état pendant des années.

 

J’avais une fille à élever, je devais me relever coûte que coûte. J’ai donc pris la décision d’aller de l’avant.

Que je pleure ou que je ris, Zabou ne reviendrait pas. Par contre, j’ai eu la chance de la rencontrer. De lui parler et de la toucher.

 

Elle était très petite et fragile. Sa vie aurait surement été difficile en tant que grande prématurée et par ricochet, la mienne et celle d’Isia.

Ma chance, ma Foi. Je sais que toute chose heureuse ou malheureuse a du sens même si on ne le sait pas sur le coup, trop aveuglé par la douleur qui vient de nous frapper.

 

J’ai quitté tous les groupes qui parlaient de mort périnatale.

Sans nier ma douleur, j’ai décidé de vivre et de rendre hommage à mon ange en ayant une belle vie.

 

J’ai alors entamé ma montée vers les cieux. Ce temps de convalescence je l’ai utilisé pour avoir une meilleure qualité de vie. Déposer Isia à l’école, faire du sport chaque jour, cuisiner des plats équilibrés, lire beaucoup.

 

Le développement personnel qui m’a permis de remonter la pente. Procéder à un examen de conscience, écrire mes objectifs et définir ma vision.  

Vous aussi, quelque soit l’épreuve que vous connaissez, vous pouvez croître grâce au développement personnel. Il s’agit de prendre une décision. Il s’agit d’apprendre à s’aimer avec ses qualités et ses défauts. Il s’agit de croire en soi, de prendre conscience que c’est possible.

 

Les autres ont réussi, non pas parce que ce sont des surdoués, mais parce qu’ils sont passés à l’action, parce qu’ils ont cru. 

Certes les conditions sont plus favorables pour certains que pour d’autres mais ça ne doit pas être une excuse pour ne exploiter son potentiel.

 

Ayez le courage de sortir de votre zone de confort.

J’ai quitté ma maison, mon CDI, mon poste de cadre, ma famille, mes repères. Mais je me sens à ma place. Je sens que le meilleur reste à venir, je suis sereine, je me sens bien.

 

2 ans plus tard, j’écris dans la maison que j’ai acheté au Sénégal, les vents sont favorables, j’aime ma vie sénégalaise.